Le Trauma est dans le système nerveux – pas dans l’événement

Le Trauma est dans le système nerveux – pas dans l’événement !
On a longtemps pensé que les symptômes du trauma étaient le résultat du type et de l’intensité d’un événement externe. Alors que la magnitude du facteur de stress est clairement importante, elle ne définit pas le trauma. C’est parce que le trauma n’est pas dans l’événement lui-même, mais qu’il réside dans le système nerveux. Le trauma lié à un événement unique (contrairement à la négligence et à la maltraitance prolongées) est physiologique et non psychologique.

Peter A. Levine, “Trauma Through a Child’s Eyes”

Qu’est-ce que le trauma ? Pourquoi, après une expérience traumatique, devient-on hypervigilant, effrayé, agressif ? Pourquoi a-t-on des cauchemars, des flashbacks et des peurs incontrôlables ?

Tout ceci peut s’expliquer par l’activité du Système Nerveux Autonome (SNA). La Théorie Polyvagale apporte un nouvel éclairage sur la façon dont fonctionne le SNA, du trauma jusqu’aux comportement sociaux.


Le SSP en collectif : Un programme qui allie la pratique du Safe and Sound Protocol, des vidéos sur la Théorie Polyvagale, la régulation du Système Nerveux Autonome, et des exercices pratiques.
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Le but absolu du système nerveux autonome, c’est de nous maintenir en vie

Le SNA est une sorte de pilote automatique du corps humain, qui permet au cœur de battre, aux poumons de respirer ou à l’appareil digestif de faire son travail de façon automatique, sans que nous n’ayons à aucun moment besoin d’y penser pour que cela se fasse.

Son rôle réside aussi dans une surveillance permanente de notre environnement : il scanne continuellement le monde externe et interne de l’individu, toujours sur ses gardes, afin de vérifier si l’on est bien en sécurité. Ce processus échappe totalement à une perception consciente : Stephen Porges propose le terme de “neuroception” pour décrire la façon dont le système nerveux détecte dans l’environnement les signaux de danger et de sécurité, sans que les parties conscientes du cerveau ne soient impliquées.

Classiquement, on a longtemps considéré que seuls deux modes opposés du système nerveux, constitués de deux branches distinctes, étaient en jeu dans le fonctionnement du corps. La théorie polyvagale propose une compréhension différente, comprenant trois branches :

  • le système nerveux parasympathique, constitué du nerf vague qui part du tronc cérébral et innerve de nombreux organes. Il se sépare lui-même en deux branches :
    • la voie vagale ventrale, qui est liée au sentiment de sécurité et de lien social : lorsqu’on se sent bien, détendu et ouvert aux relations sociales, c’est cette voie qui est connectée
    • la voie vagale dorsale, qui répond aux signaux de danger extrême par une réponse d’effondrement et déconnecte du lien relationnel : lorsqu’on se sent paralysé, engourdi ou absent, c’est cette voie qui est connectée
  • le système nerveux sympathique, situé dans la partie centrale de la moelle épinière, qui prépare à l’action : son activation permet la libération d’adrénaline et déclenche le système de défense “Fight or Flight” (Combat/Fuite).
Théorie polyvagale Stephen Porges

On peut se représenter ces trois branches du système nerveux comme une échelle hiérarchique de la réponse de stress : tout en haut se trouve la “zone verte”, dans laquelle on se sent détendu, ouvert à la conversation et à l’échange de points de vue. Dans les deux étages inférieurs, la capacité de connexion est remplacée par des mécanismes de protection : dans la zone jaune, une forte énergie est mobilisée pour se défendre et en descendant encore, on arrive à la “zone rouge” dans laquelle le système se met en veille.

  • Le cœur bat lentement, la respiration est régulée
  • La salive et la digestion sont stimulés
  • Les muscles du visage sont activés (émotions, expressions du visage)
  • Augmentation de la prosodie et du contact visuel
  • Bonne connexion à la voix humaine
  • Bonne connexion au monde et aux personnes, capacité à jouer
  • Système immunitaire performant
  • Bien être général (sommeil, santé, digestion, tension artérielle…)
  • Accélération du rythme cardiaque, souffle court et peu profond
  • Augmentation de la tolérance à la douleur
  • Peu d’expression du visage
  • Lorsque le SNA détecte un danger, le système auditifs se modifie : moins bonne écoute de la voix humaine, les muscles de l’oreille moyenne sont davantage connectés avec les fréquences élevées et basses (qui correspondent à des fréquences de prédateurs).
  • Anxiété, crises d’angoisse, colère, difficultés de concentration et à faire les choses jusqu’au bout, problèmes relationnels
  • Maladies cardiaques, taux élevé de cholestérol, troubles anxieux, problèmes digestifs & de sommeil, prise de poids, maux de tête, système immunitaire moins performant
  • Lorsqu’il n’y a pas de possibilité de s’enfuir ou se combattre face à un danger de mort, le système nerveux se fige
  • Réponse d’immobilité
  • Réduction de l’afflux sanguin, notamment vers le cerveau
  • Préparation à la mort lorsque aucune autre option se présente
  • Pas de sensation ni d’émotion
  • Fatigue chronique, dissociation, dépression, fibromyalgie, faible
  • tension artérielle

Figement et Trauma

Les personnes en bonne santé peuvent passer de la “zone verte” à la “zone jaune” facilement et avec souplesse, comme illustré dans l’exemple suivant :

Je suis à la terrasse d’un restaurant avec des amis, je suis à l’aise dans la conversation, je mange avec plaisir et profite de ce moment de détente (zone verte). Soudain, je vois un gros chien qui se dirige vers moi en courant à toute vitesse. Je saisis instantanément une chaise à proximité afin de bloquer l’animal (zone jaune). Son gardien siffle afin de le rappeler près de lui. Le chien obéit sur-le-champ et je reviens à un état de détente (zone verte) au bout de quelques instants, une fois l’éventuel danger écarté.

Lorsque  le Combat ou la Fuite ne sont pas envisageables, le système nerveux “choisit” le Figement. La réaction du système nerveux ne dépend pas de ce que l’on pense être la bonne façon de réagir à un danger, le SNA impose sa réponse de façon automatique, selon sa lecture de la situation. Ainsi, lorsque la peur est vraiment trop grande et que le système nerveux ne voit pas d’autre issue, le système se met en veille.

A lire sur le figement : Déconnexion, isolement, passivité : le rôle du Système Nerveux Autonome

Ce phénomène de paralysie de l’organisme peut souvent être compris comme étant à l’origine de nombreux symptômes ou d’états anxieux tels que les attaques de panique, les TOC, les phobies…

Par ailleurs, de nombreux troubles et pathologies (dépression, schizophrénie, personnalité borderline, spectre de l’autisme) sont affectés par la dysrégulation du système nerveux, dont certaines manifestations sont très semblables à ce que l’on observe dans le trauma :

  • Difficulté à se sentir en sécurité
  • Hypersensibilité auditive
  • Peu d’expression du visage
  • Manque de prosodie (ton monotone)

En situation de stress, laisser le système nerveux terminer son “cycle d’activation”

Tel que dans l’exemple du petit faon et sa mère de la vidéo ci-dessus, une situation très effrayante et sans issue peut donner lieu à un état de figement, la réponse du nerf vagal dorsal. Ici, la conductrice de la voiture éteint le moteur, de façon à supprimer la source de stress, sans aucune autre intervention de sa part. La maman du faon peut rassurer doucement son petit, elle manifeste simplement sa présence avec la bonne distance, sans intrusion, laissant au système nerveux tout l’espace et le temps dont il a besoin pour revenir dans la “zone verte”.

Chez les humains, le cycle d’activation ne se termine pas aussi vite que chez les animaux, mais le principe est le même. La présence rassurante et non envahissante d’une personne bienveillante permet au système nerveux de s’apaiser.

Revenir dans la “zone verte” est crucial pour la santé

Il est essentiel de se sentir en sécurité pour pouvoir vivre pleinement et en bonne santé. Lorsque c’est le cas, le cerveau libère de l’ocytocine, on a de meilleures capacités d’apprentissages et de productivité, on est davantage relaxé et agréable, on est aimé par les autres, les organes fonctionnent mieux…

Afin d’aider le système nerveux à remonter l’échelle, il est utile de s’intéresser à quelques pratiques :

  • la respiration lente, avec une expiration plus longue que l’inspiration
  • parler avec le sourire et en regardant dans les yeux
  • chanter, en solo ou encore mieux, dans une chorale
  • évoluer dans un environnement qui vous semble sécure
  • éviter les relations compliquées, qui viennent renforcer l’insécurité
  • pratiquer un instrument à vent
  • écouter de la musique, de préférence des voix féminines

Sources :

Peter Levine, “Réveiller le Tigre”, “Trauma Through a Child’s Eyes”
Stephen Porges “The Polyvagal theory”



Laetitia Bluteau | laetitiabluteau.fr